Haïti : point sur la situation au 15 avril

Depuis le 15 mars dernier la frontière haïtienne est fermée avec la République dominicaine voisine. Les vols en provenance d’Europe se sont terminés le 16 mars, mais ceux en provenance des USA et Cuba ont continué jusqu’au 20 mars voire plus.

Cela ne semble pas cohérent, mais le gouvernement haïtien, contesté par la société civile, cherche à assurer ses bonnes relations avec les USA qui continuer à l’appuyer dans la crise que le pays traverse depuis septembre 2019.

Le gouvernement haïtien a décrété une situation d’urgence avec la mise en place d’une cellule de crise scientifique, un couvre-feu et des mesures de prévention par rapport à la contamination. Jusqu’à maintenant les informations diffusées par les médias sont plutôt angoissantes, peu explicites et inadéquates vis-à-vis des conditions de vie de la majorité de la population. Il existe également un manque concernant des procédures précises à suivre en matière de prévention (où et comment se procurer des masques), de cas d’urgence ou encore de funérailles liés à des personnes infectées.

Comme dans beaucoup de pays, les écoles, universités, églises et temples sont fermés, les grands rassemblements interdits et le port du masque conseillé. La ministre de la Santé Publique a demandé aux personnes de « rester chez soi, se laver les mains, ne pas toucher sa bouche, son nez, ses yeux sans se laver les mains, de mettre deux pas de distance entre les personnes si on se déplace pour une urgence ».

Autant de mesure impossible à tenir pour une majorité de la population qui vit ou survit en sortant chaque jour afin de se payer le repas ou ses besoins essentiels et où les logements sont étroits et encombrés.

Comme dans de nombreux pays, le confinement et la « distanciation sociale » ne peuvent être respectés qu’avec des moyens économiques adéquats pour faire des provisions, avoir des logements spacieux, des espaces assez grands pour enfants et adultes, des jardins, des cours ainsi qu’une information adaptée.

De plus, les habitudes culturelles et sociales en Haïti, comme en Amérique Latine et les Antilles proches ne sont pas celles de la distanciation.Actuellement on décompte 33 cas et 3 morts, du type à risque : diabétique et insuffisant rénal, mais les chiffres sont surement incomplets et on ne sait pas encore ce que sont devenus les personnes testées positives, si elles ont guéri ou pas. Trois des neufs départements ne sont pas touchés disent les médias.

Au quotidien, beaucoup de monde a peur de la contamination, sans savoir comment se propage le virus tout en sachant que les moyens sanitaires seront insuffisants en cas d’aggravation. Port-Au-Prince, a capitale est plus à risque. Les comportements des gens plus imprévisibles, on peut parfois s’attendre à des réactions plus agressives en cas d’aggravation. Les activités économiques sont au ralenti et les rues sont plus ou moins vides selon le lieu : marchés, stations de bus, zones urbaines de taxis et de camionnettes ne peuvent être vides. Il est plus facile de respecter les consignes et de vivre en province, où de nombreuses personnes se réfugient si elles le peuvent.

Après le « lock » politique de septembre à novembre 2019, cette nouvelle épreuve va appauvrir le pays, et surtout la même classe de population.

Le gouvernement actuel, de par ses difficultés constantes notamment en ce qui concerne la résolution de la crise qui sévit depuis 2018, ne semble pas en mesure de répondre à ce nouveau fléau. Le secteur privé (industries, banques, entreprises, particuliers, etc.) essaie de pallier ces déficiences en achetant du matériel médical pour les hôpitaux privés. Le ministère de la Santé a reçu une enveloppe conséquente pour équiper les hôpitaux en cas d’urgence, pour des tests et du matériel, mais jusqu’à présent on ne voit pas de procédure se mettre en place.

La clinique dentaire du SOE est fermée depuis le 30 mars. Ma collègue doit rencontrer le personnel aujourd’hui pour décider d’ouvrir ou pas pour les urgences. En ce qui me concerne, je suis bloquée à Paris, étant initialement venue pour 2 semaines en France, avec 3 jours à l’AOI pour trier du matériel dentaire et faire un « container » pour Port-au-Prince ! Je scrute l’horizon avec impatience pour repartir chez moi en remerciant ceux qui me maintiennent en vie ici !

L’avenir dira si le virus se propage de la même façon que dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique du Nord. Espérons que d’autres facteurs et critères — encore inconnus — inversent la vapeur qui brûle toujours les plus vulnérables du monde actuel.

Fermer ses frontières ? Le virus n’en a cure !! Il faudrait peut-être imaginer de pouvoir vivre avec cette maladie de nombreuses années, de coopérer et mieux vivre ensemble ; entre pays et humains, partager les informations scientifiques et faire preuve de solidarité, pas seulement dans les périodes de crise ! Faute de quoi de nombreux virus traverseront pendant de nombreux temps nos frontières si bien gardées, si bien protégées de « l’autre ».

Mais cet « autre » visiteur-migrant ne se moque-t-il pas vraiment de nous, de nos convictions, et de nos préjugés ?

Francoise Ponticq

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