Haïti : témoignage

Une population qui descend dans la rue pour crier famine. Depuis plusieurs jours, la vie est paralysée en Haïti. Violences, pillages, écoles, administrations fermées.  https://www.franceculture.fr/emissions/la-question-du-jour/haiti

F. Ponticq  vit depuis  de nombreuses années en Haïti  et travaille à la clinique dentaire  de l’ONG haïtienne SOE à Port au Prince et nous envoie ce texte.  Depuis l’opération « Cabinet du Sourire », l’AOI continue à soutenir  par l’envoi de consommables et de petite instrumentation avec les entreprises  partenaires

Port au Prince . Le 2 mars 2019

LES MOTS

Un micro pays en surface géographique et importance géopolitique certes, mais lorsqu’on y vit, on se demande qu’est-ce qui provoque cet état de conflits et guerres permanents ou qui en donne l’impression.

Guerre, pas au vrai sens du terme, car pas de chars d’assaut (sauf ceux des Nations Unies) ni de soldats ou de tirailleurs dans la rue. Parfois quelques mercenaires et des gangs armés par des gens qui ont les moyens de leur procurer armes et munitions et un mobile pour créer cette situation.

Mais il existe des guerres et des conflits dans toutes les strates de la société, dans les formations politiques et carnavalesques, au sein de tous les gouvernements, entre toutes les nuances et toutes les couleurs.

Cependant et contradictoirement, on constate souvent le profond sentiment patriotique et nationaliste qui unit les gens, parfois à la limite du pathologique.

Si l’imagination est au pouvoir en Haïti (un pays reconnu pour sa quantité d’artistes dans de nombreux domaines), le pouvoir n’a d’imagination semble –t-il, que d’ignoble.

Un pouvoir politique et économique, qui depuis des décennies n’appartient plus souvent à une forme d’hommes et femmes guidés par des intérêts personnels et familiaux- voir tribaux- que nationaux- ou même humains.

Des personnes douées d’un aplomb étonnant (sans doute ou remise en question) pour leurs compétences, leurs choix, leurs mensonges éhontés, leur mode de vie anachronique et indécent.

L’indécence résidant pour moi dans la cohabitation physique et morale du super luxe et de la misère la plus abjecte, sans le moindre regard.

Nul doute que dans tous les pays, l’histoire, et celle plus récente des 60 ou 70 dernières années a un impact sur « l’ aujourd’ hui », mais n’ y aurait-il pas aussi des leçons à en tirer pour ne pas rester dans une continuité stérile par rapport aux problèmes de fond ?

Il y a assez de personnes qui « pensent » dans le pays, pour avoir déjà écrit des centaines de fois les problèmes et solutions de ce même pays, avec ou sans l’aide orthographique des « pays amis ».

Il y a assez de personnes qui disent « non » (donc pensent) dans le pays, pour avoir déjà manifesté leur désaccord et protesté énergiquement pour ne pas comprendre les revendications et les sources de ces injustices qui de plus en plus apparaissent comme évidences.

Jusqu’ à quand cette farce brutale et cynique et assassine durera-t-elle ?

Farce cynique, parce que la mauvaise foi et le mensonge débordent dans les commentaires et propositions des « adresses à la Nation », qui visent une population qu’on assimile sûrement à des débiles mentaux ou à qui on veut encore arracher son rêve d’aller mieux pour préserver le statu quo du magma (alliance classe économique dominante- pouvoir politique national et international) arriéré qui perdure depuis au moins 50 ans.

Farce brutale, parce que chaque jour et mois qui passent, entassent plus de morts physiques et morales qu’un pays ne devrait supporter. Ces pertes l’affaiblissent et épuisent la résistance et la persévérance des troupes.

Farce assassine, parce que des gangs armés par les politiques instrumentalisent les manifestations réelles et les revendications d’une majorité de la population, parce que les gens d’un même quartier s’auto détruisent en faisant des « guerres » entre eux.

Ces 10 derniers jours « lock » sont-ils une marche en arrière sur l’escalier qui mène au changement ? Une marche en avant ? Il ne faut pas l’idéaliser, ni la minimiser, mais la politiser, utiliser cette force pour les acteurs puissent s’organiser et faire des propositions.

Je persiste à croire que c’est encore une étape vers un réel bouleversement de système. Le système actuel est désuet, anachronique et ne tient en place que par des ficelles tenues par des marionnettes que tout le monde connait. Il doit s’éteindre ou se « faire éteindre ».

Lutter contre les monopoles et la corruption liée à ceux-ci, c’est lutter contre la classe dirigeante. Cela reste une lutte difficile et longue, car la classe au pouvoir et ses alliés ont des retranchements, des pare-feu, des alternatives.

Même si les actes et les scènes sont multiples, il arrive toujours un moment que tout un chacun appelle « fin de spectacle », souhaitons-le et œuvrons pour cela, chacun à sa manière, individuelle et collective pour arriver au « quorum » du changement.

F. Ponticq

« On prend le peuple pour des cafards…. »

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