À l’occasion de ses 40 ans, l’AOI a organisé une séance le 1er décembre 2023 dans le cadre du programme scientifique de l’ADF. Cette séance a été l’occasion de revenir sur les enjeux d’une ONG de développement avec l’exemple de Madagascar. Les différentes interventions ont illustré à partir d’exemples concrets la stratégie actuelle de l’AOI, la démarche des projets avec différents partenaires ainsi que les défis à relever à l’avenir.
À la suite du mot d’introduction de Doniphan Hammer, Secrétaire Général de l’ADF, Habib Benzian, président de la séance, professeur d’épidémiologie et de promotion de la santé à la faculté de médecine dentaire de New York et directeur d’un centre collaborateur OMS, a souligné le positionnement spécifique de l’AOI dans le paysage des ONG dentaires par son professionnalisme et son approche d’apprentissage des succès et des échecs pour améliorer ses pratiques.
Thierry Marsais, Délégué Général de l’AOI, a présenté la démarche et les domaines d’expertises de l’AOI. Il a rappelé que l’AOI est une ONG de développement en santé reconnue d’utilité publique qui contribue à l’élaboration, l’application et l’évaluation de stratégies innovantes en santé publique. L’AOI travaille à réduire l’écart entre les stratégies nationales ou internationales et leur application concrète sur le terrain. Elle accompagne les acteurs et actrices de la santé dans le domaine de la prévention et du contrôle des infections, de l’accès au fluor, de la formation et de la capitalisation d’expérience. Avec 40 ans d’expérience acquise sur le terrain dans différents pays (Haïti, Afrique francophone, Asie du Sud-est), l’AOI s’appuie sur des réseaux internationaux de compétences et de partenaires techniques et financiers (universités, institutions, ONG, entreprises…). Une grandeimportance est accordé à la recherche de fonds ainsi qu’à la qualité de partenariats durablement mis en place que ce soit avec des institutions ou des entreprises dans le cadre de leur démarche RSE, mais également avec les donateurs et donatrices. L’AOI doit également se tourner vers des défis présents et futurs tels que le renforcement de la société civile, les problématiques genre et santé et l’approche One Health.
La vidéo réalisée pour les 40 ans a ensuite été projetée.
François Courtel, Vice-Président de l’AOI, a soulevé le problème majeur des infections associées aux soins pour la sécurité de soins dans les pays en développement. Les pratiques dangereuses sont fréquentes et sources de risque pour la population et les personnels de santé. Les réponses apportées sont insuffisantes malgré l’existence de programmes nationaux. Cela est notamment lié au manque de solutions et de formation pratique. Pour y faire face, l’approche choisie par l’AOI est d’accompagner les partenaires locaux pour renforcer et évaluer leurs actions à différents niveaux (ministère de la Santé, formations initiales, application pratique dans des hôpitaux centraux et de districts). Avec une implication et une motivation des actrices et acteurs locaux selon des étapes à respecter, le bilan des 40 ans d’accompagnement en PCI montre des résultats positifs et reproductibles au niveau national ou international.
Le Pr Mamy Randria, chef de service de maladies infectieuses à l’hôpital de Befelatanana à Madagascar a décrit les problèmes rencontrés en matière d’hygiène dans son hôpital où les challenges à relever sont nombreux. Conscient des problèmes, un programme PCI a été initié. Les limites observées étaient l’insuffisance de budget alloué à l’hygiène, la non-réalisation d’audit des pratiques, l’absence de programmes de formation continue et pour les employé.es nouvellement nommé.es le manque de formation. La collaboration avec la SMPCI/Wash, l’OMS et l’AOI doit contribuer à l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action pérenne de la PCI à l’hôpital.
Le Dr Rija Andriamasinorio, responsable de l’enseignement clinique à lIOSTM, seule faculté dentaire à Madagascar a commencé sa présentation en faisant part de la situation de départ concernant la PCI à l’IOSTM. Elle était caractérisée par un enseignement théorique à mettre à jour et des locaux, des matériels et instrumentations vétustes ou inexistants ne permettant pas un enseignement suivant les fondamentaux de la PCI. Pour faire face à cette situation, une démarche concertée avec les enseignant.es a été entreprise avec l’adoption d’une stratégie pour l’amélioration de l’environnement (état des lieux => plan de rénovation,=> travaux=> dotation de matériel) et la mise en place d’un modèle pédagogique d’apprentissage par simulation (théorie => simulation => pratique). Pour assurer la pérennité du réapprovisionnement des consommables et la maintenance, une révision tarifaire a été effectuée. Un suivi/évaluation des étudiant.es, des personnel.les techniques et des équipes de formation est effectuée en interne, mais aussi en externe avec l’AOI. Les défis à venir sont nombreux. En premier lieu, il faut maintenir des résultats. Il faut aussi s’occuper de la gestion des déchets, d’un système d’aspiration, de l’entretien et de l’amortissement du matériel ainsi que l’assurance qualité. Pour conclure, ce projet est marquant pour vie de l’IOSTM compte tenu de la pertinence des actions, de l’efficacité de la méthode et du développement de compétence de réflexion. Il sera intéressant de capitaliser sur ce projet.
A la suite de cette présentation, le directeur de l’IOSTM, le professeur Jeannot Randrinarivony a fait une brève intervention afin de montrer le chemin parcouru par l’IOSTM, la qualité du travail réalisé, le maintien des résultats et la volonté de continuer à améliorer l’accès et la formation à des soins de qualités.
Benoit Varenne, Dental Officer à l’OMS a rappelé que l’état de santé oral au niveau mondial était alarmant. Aujourd’hui, plus de 3 personnes affectées sur 4 vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire. La prévention en utilisant le fluor est le seul moyen réaliste de réduire la carie dentaire. Le dentifrice fluoré prévient les caries et ralentit la progression de celles existantes. Le brossage des dents deux fois par jour avec un dentifrice de 1000/1500 ppm de fluor est recommandé par l’OMS pour tous les groupes d’âge tout au long de la vie. En effet, plus de 60 ans de recherche permettent de fournir des preuves de l’efficacité du dentifrice dans la prévention de la carie. Le plan d’action mondiale pour la santé orale (2023-2030) recommande que 50 % des pays, d’ici 2030, soient dotés de directives nationales sur l’apport fluoré optimal. Le dentifrice fluoré fait partie de la liste OMS des médicaments essentiels.
Laetitia Razafilamonjy, représentante AOI à Madagascar et Eva Ranivoharilanto, spécialiste en santé publique, ont fait le point sur le programme de prévention de la carie par le fluor à Madagascar conformément aux recommandations de l’OMS. Pour appliquer les recommandations OMS et faisant suite à l’atelier et la consultation OMS de 201, des normes ont été établies sur les dentifrices fluorés et une législation est en cours de préparation. Pour contrôler la qualité des dentifrices fluorés disponibles, un partenariat entre l’ACSQDA (Agence de Contrôle Sanitaire des Qualités des Denrées Alimentaires) et l’université de Piracicaba au Brésil a permis la formation d’une équipe de technicien.nes pour des analyses de routine et de réaliser une enquête nationale sur les dentifrices fluorés commercialisés. Aujourd’hui, Madagascar est doté d’un laboratoire de référence et une démarche d’accréditation est en cours. L’enjeu est de rendre accessible l’utilisation quotidienne du dentifrice fluoré. Des pistes existent telles que la détaxation des dentifrices fluorés et la réduction de couts inutiles et aussi l’inclusion du dentifrice fluoré dans la liste des médicaments essentiels.
En 2005, le programme de fluoration du sel a démarré sur un financement de la Banque Mondiale. En 2017, une évaluation effectuée par AOI pour le compte de l’OMS sur demande du ministère de la Santé a montré que les producteurs ne pratiquaient pas l’iodation et la fluoration du sel. Dans le cadre de la relance du programme, l’AOI a appuyé le ministère de la Santé. Un décret 2015) et un arrêté d’application (2019) pour l’iodation et la fluoration du sel est paru. Une note ministerielle a introduit l’apposition du logo SIF. Un appui à la production d’un sel iodé et fluoré et au contrôle de qualité a été apporté. Aujourd’hui, seul le principal producteur de sel à Madagascar (CSM) produit 50 000 tonnes de sel iodé et fluoré, ce qui permet de toucher potentiellement 70 % de la population. On constate un refus des autres producteurs de fluorer et d’ioder le sel dans un contexte de manque de volonté des responsables institutionnels à faire appliquer la législation sur le sel iodé et fluoré. Il existe un gros risque de démotivation du producteur engagé qui a commencé à diminuer de moitié la quantité de fluor dans le sel préconniser par l’OMS. Les perspectives résident dans la production de sel iodé et fluoré en petits conditionnements et de développer une recherche sur l’efficacité des dosages autour de125ppm de fluor dans le sel.
Yambuluîya Dipama, Secrétaire Général de l’AOI a rappelé que les projets soutenus par l’AOI se sont toujours inscrits dans une vision de santé publique avec une démarche sur le long terme en appui-conseil et une recherche de pérennité des actions mises en place. Aujourd’hui, l’expertise de l’AOI est reconnue. Les acquis reposent sur le positionnement, l’expérience acquise dans des contextes différents, un réseau d’expert.es et de partenaires, une recherche d’évaluation et de capitalisation. Les défis sont nombreux que ce soit au niveau des ressources humaines, du renouvellement des cadres dirigeant.es ou encore de l’accès aux financements publics ou privés. L’objectif étant d’accompagner un changement d’échelle de la structure et des projets soutenus. Ce passage à l’échelle doit permettre d’étendre l’application de stratégie aux résultats reconnus dans d’autres zones géographiques, d’autres formations sanitaires… Une amorce se réalise au sein de l’AOI. Les conditions sont réunies à condition de maintenir et de renforcer les partenariats locaux et d’accéder à des financements sur la durée. L’AOI doit également entendre relever des défis intégrés dans des problématiques globales. Parmi eux, figurent le renforcement de la société civile, la prise en compte de l’approche genre afin de contribuer à réduire les inégalités d’accès à la santé entre femmes et hommes ainsi que le développement du concept One Health qui promeut une approche intégrée de la santé humaine, animale et environnementale.